L’ombre américaine en Haïti : ingérence et manipulation sous couvert de soutien pour perpétuer l’instabilité

Mis à jour le 12 novembre 2024 à 15h55

Depuis des décennies, Haïti peine à trouver la voie de la stabilité et du progrès, en grande partie en raison de l’ingérence constante des États-Unis dans ses affaires intérieures. Cette domination est souvent exercée sous couvert d’une aide humanitaire ou d’un soutien politique, mais elle s’est révélée être, dans bien des cas, un frein à l’autonomie et au développement du pays. Le récent communiqué du Département d’État américain, qui prend acte du limogeage du Premier ministre Garry Conille par le Conseil présidentiel de transition (CPT) et de sa succession par Alix Didier Fils-Aimé, ne fait qu’illustrer une réalité où Haïti semble constamment sous tutelle américaine.

En désignant le CPT et en soutenant le nouveau Premier ministre, les États-Unis cherchent ostensiblement à garantir une “transition démocratique” et une “amélioration de la sécurité”. Mais cette façade masque une influence étouffante qui semble davantage orientée vers la protection des intérêts américains que vers le bien-être des Haïtiens. Face aux crises à répétition, aux promesses de soutien jamais tenues, et à l’insécurité omniprésente, il devient difficile de ne pas percevoir l’intervention des États-Unis comme un élément clé du blocage haïtien. En effet, chaque aspect du quotidien haïtien — de la gouvernance à l’économie en passant par la sécurité — se trouve profondément marqué par l’ombre américaine.

Le contrôle indirect du pouvoir exécutif haïtien

La nomination de Garry Conille, et maintenant d’Alix Didier Fils-Aimé, au poste de Premier ministre s’inscrit dans une longue tradition de nominations approuvées, voire orchestrées, par des acteurs externes, principalement les États-Unis. Bien que la crise actuelle ait mené à une impasse politique, la “solution” apportée par les États-Unis — la reconnaissance de cette nomination et la promesse de collaborer avec le nouveau Premier ministre — est une intervention directe dans les affaires de la souveraineté haïtienne. Le CPT, qui devrait représenter la volonté du peuple haïtien, apparaît plutôt comme un outil docile des puissances étrangères.

L’insistance des États-Unis pour que le CPT et le Premier ministre présentent un plan d’action commun reflète un désir de contrôler la feuille de route du gouvernement haïtien. Cette demande impose au gouvernement haïtien de se plier aux exigences de son “tuteur” américain, soumettant chaque décision de la transition aux approbations et aux directives étrangères. La réitération par Washington de la nécessité de “délimiter clairement les rôles” entre le CPT et le Premier ministre indique également un contrôle de l’agenda politique haïtien, où chaque pas doit être validé en haut lieu à Washington.

L’insécurité en Haïti : un phénomène importé

Le discours des États-Unis sur la violence qui sévit en Haïti est profondément paradoxal. Bien qu’ils prétendent offrir leur soutien pour rétablir la sécurité, il est connu que les gangs armés qui terrorisent le pays s’approvisionnent en armes à feu et en munitions venues principalement des États-Unis. Ces armes de guerre circulent dans les quartiers populaires de Port-au-Prince et sont utilisées par les groupes armés pour semer la terreur, extorquer et assassiner impunément. Ce flux d’armes vers Haïti n’est pas un phénomène fortuit. Les autorités américaines, pourtant promptes à se poser en arbitres de la sécurité haïtienne, n’ont pas réussi à contrôler efficacement les circuits de distribution qui alimentent les réseaux criminels.

Ainsi, on se demande si la violence qui gangrène Haïti ne sert pas des objectifs géopolitiques spécifiques. Cette insécurité empêche le pays de se stabiliser et de construire une économie viable. En maintenant Haïti dans un état d’instabilité chronique, les États-Unis justifient leur présence continue, avec pour prétexte la nécessité de soutenir la transition et de favoriser la sécurité. Loin de jouer un rôle neutre ou bénéfique, la politique américaine dans ce contexte semble plutôt contribuer à alimenter un cycle sans fin de violence et de dépendance.

Une économie entravée et une dépendance renforcée

L’influence américaine ne se limite pas au domaine de la sécurité ; elle s’étend également aux sphères économiques et sociales. En imposant des accords commerciaux déséquilibrés et en instaurant des programmes d’aide conditionnelle, les États-Unis ont contribué à renforcer la dépendance économique d’Haïti. Le pays, dont l’économie reste largement dépendante des importations, se voit contraint de se plier aux exigences des bailleurs internationaux, souvent influencés par Washington. Cette dépendance économique entrave le développement de secteurs locaux, tels que l’agriculture ou l’industrie, et crée un cercle vicieux de pauvreté qui perpétue la nécessité d’une aide étrangère.

Les États-Unis, par leur position dominante, peuvent ainsi dicter les termes des politiques économiques en Haïti. Chaque décision du gouvernement haïtien est prise dans le cadre de cette dépendance, empêchant toute initiative qui pourrait remettre en question le modèle économique imposé par les puissances occidentales. Le contrôle exercé sur Haïti ne fait donc que renforcer la précarité du pays, consolidant un environnement où il est presque impossible pour le peuple haïtien de retrouver sa souveraineté économique et politique.

La promesse illusoire d’élections libres

Le communiqué du Département d’État insiste sur l’importance de tenir des élections libres et régulières, mais cette promesse d’élections démocratiques sonne creux dans un pays où les structures de base de l’État sont dysfonctionnelles. Comment un scrutin pourrait-il avoir lieu dans un contexte où 80 % de la capitale est sous le contrôle de gangs armés ? Les élections apparaissent alors comme un mirage, un outil pour légitimer un pouvoir de façade sous contrôle étranger, tout en préservant les intérêts des puissances en présence.

Les États-Unis, en mettant en avant cette perspective d’élections, ne semblent pas prendre en compte la réalité locale. Ce discours, bien que flatteur en apparence, laisse croire que le processus démocratique peut se dérouler normalement en Haïti, alors que le pays est pris en otage par des forces violentes et des pressions internationales qui limitent toute forme d’expression libre et autonome. Au lieu d’imposer des échéances électorales irréalistes, une véritable aide américaine consisterait à soutenir la construction d’institutions stables et à résoudre les causes profondes de la violence et de l’instabilité.

La diplomatie américaine : une stratégie de contrôle déguisée

Ce que le discours officiel des États-Unis présente comme un soutien au redressement d’Haïti s’apparente davantage à une stratégie de contrôle géopolitique. En soutenant le gouvernement haïtien uniquement sous certaines conditions, Washington s’assure de conserver une influence directe sur chaque décision prise par le CPT. Ce processus de “transition sous surveillance” révèle une volonté de maintenir Haïti dans une position de dépendance, soumise à des décisions dictées depuis Washington.

Loin de favoriser la stabilité et l’autonomie d’Haïti, cette tutelle déguisée en aide diplomatique semble conçue pour empêcher le pays de prendre son destin en main. Les États-Unis, en intervenant directement dans la nomination des leaders politiques, en tolérant le trafic d’armes vers Haïti, et en imposant des politiques économiques contraignantes, contribuent à maintenir Haïti dans un état de dépendance. La résurgence de la violence, l’instabilité politique, et l’appauvrissement économique sont autant de symptômes d’un plan tacite visant à priver le pays de toute chance de redressement durable.

Vers une véritable souveraineté haïtienne

Le peuple haïtien mérite de vivre dans un pays stable, en sécurité, et libre de toute ingérence étrangère. Si les États-Unis veulent vraiment aider Haïti, il serait nécessaire qu’ils mettent fin à leur politique d’interventionnisme, et qu’ils laissent le pays reconstruire ses institutions sans ingérence. La sécurité, la paix, et la prospérité ne peuvent être atteintes que lorsque Haïti aura la liberté de choisir son propre destin. Cette quête de souveraineté commence par un rejet de la tutelle étrangère et par une responsabilisation des acteurs locaux, loin de toute influence extérieure.

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