Haïti : des conseillers présidentiels accusés de corruption défient leur convocation judiciaire

Mis à jour le 3 décembre 2024 à 8h47

Le scandale de corruption présumée à la Banque nationale de crédit (BNC) continue de secouer le Conseil présidentiel de transition (CPT) en Haïti. Les conseillers présidentiels Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, accusés d’avoir exigé une somme de 100 millions de gourdes à l’ancien président du Conseil d’administration de la BNC, Raoul Pierre-Louis, pour son maintien à ce poste, sont désormais convoqués par le juge d’instruction Benjamin Felismé. Ces développements judiciaires mettent en lumière des tensions croissantes entre le système judiciaire haïtien et les membres influents du CPT.

Convoqués, mais contestataires

Selon des sources judiciaires, le juge Felismé a émis des mandats de comparution distincts pour chacun des trois conseillers, à des dates différentes en décembre. Cette décision fait suite à des accusations graves portées contre eux par Raoul Pierre-Louis, qui affirme avoir subi des pressions financières intenses de leur part.

Un des avocats des conseillers présidentiels a confirmé au journal Le Nouvelliste que son cabinet avait bien reçu une convocation. « Je n’ai pas encore vu le mandat de comparution, mais notre cabinet a reçu la convocation du juge d’instruction pour le 11 décembre », a-t-il déclaré, tout en insistant sur le fait que ses clients continuent de clamer leur innocence.

Cependant, les conseillers accusés contestent la compétence du juge pour les entendre. Selon eux, leur statut au sein du CPT équivaudrait à celui de “présidents de la République”, une position qui les rendrait intouchables devant un magistrat d’instruction. Cette affirmation a suscité une vive controverse, notamment parmi les juristes haïtiens, qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme une tentative de détourner l’attention des accusations.

Les précédentes invitations rejetées

Louis Gérald Gilles avait déjà été convoqué par le juge d’instruction le 19 novembre dernier. Toutefois, ses avocats avaient contesté cette invitation, arguant que le magistrat n’était pas compétent pour initier une telle procédure. Cette position a été réaffirmée par les autres conseillers impliqués, qui remettent en question le cadre légal permettant à un juge de les convoquer.

Contacté par Le Nouvelliste, Louis Gérald Gilles s’est montré réticent à commenter l’affaire, refusant de confirmer ou d’infirmer sa convocation. Cette posture prudente contraste avec les pressions accrues qui pèsent sur le CPT, tant de la part de la communauté internationale que des acteurs politiques locaux.

Le rôle du CPT sous les projecteurs

Le Conseil présidentiel de transition est depuis des mois au centre des critiques. Conçu comme une entité temporaire visant à stabiliser le pays en période de crise, le CPT fait face à des défis multiples, y compris des accusations de corruption qui fragilisent davantage sa légitimité.

Certains membres de la communauté internationale et plusieurs organisations locales demandent que les conseillers impliqués soient écartés ou démissionnent volontairement. Cependant, le CPT a rejeté ces appels, affirmant que ses membres ne peuvent être démis de leurs fonctions en l’absence d’un cadre légal clair. Cette position a provoqué une impasse politique et judiciaire, accentuant les divisions au sein du gouvernement de transition.

Un scandale aux répercussions politiques

Les accusations entourant la BNC ont déclenché une onde de choc dans l’administration haïtienne. Pour beaucoup, ce scandale est le symbole des pratiques corrompues qui gangrènent les institutions publiques depuis des années. L’implication présumée de membres du CPT, une structure censée restaurer la confiance du peuple haïtien, aggrave cette perception.

La communauté internationale, qui a soutenu la création du CPT, exprime désormais des doutes quant à sa capacité à gérer les affaires de l’État de manière transparente. Certains partenaires internationaux conditionnent leur aide à une résolution rapide et crédible de cette affaire.

Le dossier judiciaire en point d’achoppement

Le juge Benjamin Felismé, en charge de l’enquête, est désormais confronté à une résistance institutionnelle. En plus des trois conseillers, il a convoqué Raoul Pierre-Louis, l’ancien président du Conseil d’administration de la BNC, qui avait formulé les accusations initiales. Ce dernier est appelé à fournir des détails supplémentaires sur les circonstances dans lesquelles les demandes financières présumées ont été formulées.

Toutefois, le processus judiciaire est entravé par les objections légales soulevées par les conseillers et leurs avocats. Ces derniers affirment que leurs clients bénéficient d’une immunité liée à leur fonction, un argument rejeté par certains experts juridiques.

Les enjeux pour Haïti

Cette affaire met en lumière les défis structurels auxquels fait face Haïti. La corruption dans les institutions publiques est l’un des principaux obstacles au développement du pays, et ce scandale ne fait que renforcer la méfiance généralisée envers les dirigeants politiques.

La résolution de ce dossier sera déterminante pour l’avenir du CPT. Si les conseillers présidentiels sont écartés ou condamnés, cela pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la corruption en Haïti. À l’inverse, un échec à rendre justice dans cette affaire pourrait saper davantage la crédibilité des institutions de transition et isoler le pays sur la scène internationale.

Quelles perspectives ?

Alors que le mois de décembre s’annonce crucial pour l’enquête, les yeux restent tournés vers le juge d’instruction Benjamin Felismé. Parviendra-t-il à poursuivre son enquête malgré les obstacles institutionnels et politiques ? Les conseillers accepteront-ils de se présenter devant la justice ?

Pour l’instant, le CPT reste ferme dans sa position de maintenir ses membres accusés à leurs postes, au grand dam d’une partie de la population et des partenaires internationaux. Une résolution de cette crise semble encore lointaine, mais elle demeure essentielle pour restaurer la stabilité politique et institutionnelle en Haïti.

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