Frankétienne, géant des lettres haïtiennes et pionnier du spiralisme, s’éteint à l’âge de 88 ans

Mis à jour le 21 février 2025 à 14h47

Port-au-Prince – L’écrivain, peintre et penseur haïtien Frankétienne est décédé à l’âge de 88 ans, laissant derrière lui un immense héritage culturel. Auteur prolifique et fondateur du mouvement spiraliste, il est considéré comme l’un des plus grands intellectuels haïtiens du XXe siècle. Son décès, survenu jeudi des suites d’une maladie non précisée, a été confirmé par le gouvernement haïtien.

Né Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent, Frankétienne a grandi dans le quartier populaire de Bel-Air, à Port-au-Prince. Malgré un environnement difficile, il a su imposer son talent et sa vision à travers une œuvre foisonnante, touchant à la littérature, à la peinture et au théâtre.

Un pilier de la culture haïtienne

Frankétienne s’est distingué par une écriture dense et novatrice, notamment avec son roman Dézafi (1975), le premier ouvrage littéraire moderne écrit en créole haïtien. Ce texte, inspiré de la dictature de François Duvalier, décrit une société dominée par l’oppression et la résistance. Parmi ses autres œuvres majeures figurent Ultravocal, Au Fil du Temps et Pèlin Tèt, qui illustrent son approche expérimentale du langage.

Le gouvernement haïtien a salué la mémoire d’un homme qui « à travers ses écrits, a illuminé le monde, porté l’âme d’Haïti et défié le silence ». De son côté, le Premier ministre haïtien Alix Didier Fils-Aimé a rendu hommage à celui qu’il décrit comme un « maître », dont le verbe et l’esprit continueront de souffler sur Haïti.

Une œuvre protéiforme et engagée

En parallèle de ses écrits, Frankétienne s’est illustré dans les arts visuels, avec des peintures reflétant les tragédies de son pays, notamment Désastre, inspiré du séisme de 2010, et Difficile émergence vers la lumière, dédié aux victimes des ouragans. Son style pictural, tout comme son écriture, est marqué par une énergie foisonnante et une approche chaotique propre au spiralisme.

Homme de culture engagé, il a brièvement occupé le poste de ministre de la Culture à la fin des années 1980. En 2010, il a été honoré par la France, qui l’a décoré de l’Ordre des Arts et des Lettres.

L’ancien Premier ministre haïtien Evans Paul a souligné que Frankétienne « était bien plus qu’un artiste : il était une force vivante, un phare pour Haïti et pour l’humanité ».

Un esprit libre jusqu’au bout

Interrogé par l’UNESCO en 2023, Frankétienne se qualifiait de « fou original », conscient d’avoir dérangé « une floperie de gens normaux ». Il affirmait vouloir poursuivre son odyssée créative jusqu’à son dernier souffle.

« J’ai toujours été en voyage, en quête de nouveautés. La création permanente est une odyssée sans escale », déclarait-il encore récemment.

Avec sa disparition, Haïti perd l’un de ses plus grands génies artistiques, mais son œuvre, elle, demeure indélébile.

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