Le Canada, traditionnellement perçu comme une terre d’accueil pour les immigrants, a annoncé une réduction “considérable” du nombre de nouveaux résidents permanents qu’il accueillera dès 2024. Le Premier ministre Justin Trudeau a précisé que cette décision vise à réduire de 21 % les quotas d’immigration par rapport aux projections précédentes, reflétant un changement de cap face à une opinion publique de plus en plus réticente à l’égard de l’immigration.
Lors d’une déclaration faite jeudi, Justin Trudeau a expliqué que l’immigration reste essentielle pour l’avenir du Canada, mais qu’elle doit être “contrôlée et durable”. Cette mesure entraînera une stabilisation de la croissance de la population au cours des prochaines années, donnant aux différents niveaux de gouvernement le temps de combler les retards accumulés en matière de logement, de soins de santé et de services sociaux. Les nouveaux objectifs visent à accueillir 395 000 immigrants en 2024, 380 000 en 2025, et 365 000 en 2026, contre les 500 000 initialement prévus pour 2025.
Cette décision survient après des années de niveaux d’immigration record, qui ont vu la population du pays dépasser les 41 millions d’habitants, avec une croissance largement due aux nouveaux arrivants. En 2023, 98 % de la croissance démographique du Canada provenait de l’immigration, une situation qui a engendré des pressions considérables sur les infrastructures publiques, notamment dans le secteur du logement.
Marc Miller, ministre de l’Immigration, a souligné que ce plan était une réponse aux nombreuses critiques formulées par les citoyens et les gouvernements locaux. En effet, plusieurs sondages récents révèlent une montée du scepticisme envers l’immigration. Un sondage d’Abacus Data indique que près d’un Canadien sur deux estime que l’immigration nuit au pays, tandis qu’une enquête de l’Environics Institute montre que 58 % des Canadiens jugent le niveau d’immigration actuel trop élevé, une opinion en forte hausse depuis deux ans.
Ce changement de cap marque une rupture nette avec les politiques d’immigration adoptées par le Canada au cours de la dernière décennie. En 2022, le gouvernement avait annoncé des objectifs records, promettant d’accueillir 1,5 million de nouveaux arrivants d’ici 2025. Cette décision de réduire ces objectifs illustre les défis auxquels le Canada est confronté pour maintenir un équilibre entre les besoins en main-d’œuvre et la gestion de la croissance démographique.
Le Premier ministre a reconnu que la période post-pandémique a révélé des déséquilibres importants dans la capacité du pays à répondre aux besoins de sa population croissante. Bien que l’immigration reste un moteur crucial pour l’économie canadienne, les défis posés par la crise du logement, le manque d’emplois et l’insuffisance des soins de santé exigent des ajustements temporaires.
Cependant, cette décision a suscité des critiques de la part de plusieurs organisations de la société civile. Dans une lettre ouverte, plus de 120 groupes ont souligné que les migrants ne sont pas responsables de la crise du logement ni des autres difficultés économiques du pays. Ils attribuent plutôt ces problèmes à des décennies de sous-financement et de privatisation des services publics. De son côté, la Chambre de Commerce du Canada a exprimé sa déception, arguant que l’immigration est essentielle pour la croissance économique et la main-d’œuvre du pays.
En parallèle, la décision de Trudeau a également attiré l’attention internationale, avec des réactions notables aux États-Unis. Donald Trump, connu pour ses positions fermes sur l’immigration, a déclaré que même Justin Trudeau “ferme les frontières du Canada”, soulignant une convergence avec sa propre politique sur l’immigration.
À l’échelle nationale, le leader de l’opposition conservatrice, Pierre Poilievre, a critiqué la “volte-face” de Trudeau, affirmant que cela reflète un échec dans la gestion du système d’immigration. Cette annonce intervient alors que Justin Trudeau fait face à des pressions croissantes, tant au sein de son parti que parmi l’opinion publique, avec des sondages indiquant une chute de popularité significative.








